Julien Sorel, admirateur de Napoléon
Lors de la réunion mensuelle de DLR63 du 21/01/2014 à Clermont-Ferrand, Pascal Sigoda nous a donné le plaisir d'entendre sa conférence sur l'Histoire du Gaullisme (qu'il en soit ici remercié au passage).
De façon anecdotique, en parlant du bonapartisme, Pascal nous faisait remarquer que Stendhal fut un grand admirateur de Napoléon Bonaparte. Effectivement, Stendhal et ses compères de l'époque romantique ont largement brodé sur la légende napoléonienne.
Pour le Rouge et le Noir, l'admiration du jeune Julien Sorel pour Napoléon est sans ambiguïté :
"En passant, il regarda tristement le ruisseau où était tombé son livre ; c'était celui de tous qu'il affectionnait le plus, le Mémorial de Sainte-Hélène."
Et cet autre extrait :
"Pour Julien, faire fortune, c'était d'abord sortir de Verrières; il abhorrait sa patrie. Tout ce qu'il y voyait glaçait son imagination. Dès sa première enfance, il avait eu des moments d'exaltation. Alors il songeait avec délice qu'un jour, il serait présenté aux jolies femmes de Paris, il saurait attirer leur attention par quelque action d'éclat. Pourquoi ne serait-il pas aimé de l'une d'elle, comme Bonaparte, pauvre encore, avait été aimé de la brillante madame de Beauharnais."
L'admiration de Julien pour Bonaparte est plus qu'une naïveté romantique, elle demande de l'audace, car à cette époque tourmentée de l'histoire (1830) où la France cherche son régime, admirer l'empereur déchu était suspect et risqué(1). Le jeune homme admire l'empereur, mais sous le manteau pendant que les jeunes filles rêvent aux valeureux chevaliers de Louis XV.
Notre personnage est motivé par son ambition, démesurée, excessive sans doute. Julien Sorel n'a que son talent de précepteur de latin pour réussir. Il est battu et chassé par son père qui ne voit en lui qu'un bon à rien, incapable de travailler de ses mains dans la scierie familiale.
Julien Sorel part donc à la conquête du monde, l'abbé Chélan lui met le pied à l'étrier. Malheureusement, son seul talent n'y suffira pas. C'est la Restauration, le respect n'est qu'accordé qu'à la noblesse et l'aristocratie ; la méritocratie inaugurée par Napoléon n'est plus au goût du jour et pour réussir Julien devra faire preuve d'hypocrisie, de cynisme, d'une certaine violence même envers ces femmes qu'il va séduire et manipuler. On y verrait aujourd'hui une certaine laideur. Si ce roman ressortait aujourd'hui, à tous les coups, il serait qualifié de politiquement incorrect. Pas de Happy End dans le Rouge et le Noir, et la guillotine en guise de dernier chapitre.
Jérôme Framery
(exemplaire du livre à votre disposition aux réunions DLR63)
(1)On pense par exemple à l'emprisonnement d'Edmond Dantés dans l'excellent Conte de Monte-Christo d'Alexandre Dumas (1848).
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