Debout L'Auvergne

Debout L'Auvergne

Pray for Paris ou la confusion des genres

 

Le slogan « Je suis Charlie » était déjà bancal et contestable à plusieurs égards.

 

Bien loin d'être rassembleur ce slogan était tout au contraire clivant du fait de la formule utilisée. A la forme positive de la phrase « Je suis Charlie », la réponse par la forme négative associée « Je ne suis pas Charlie » ne pouvait pas se faire attendre. Ou bien « Je suis », ou bien « Je ne suis pas » ; il n'y a pas de place pour la nuance. Et sans nuance, pas de débat !

 

Toujours à cause de la construction de la phrase, le slogan « Je suis Charlie » est en opposition avec le respect des personnes. Le respect strict des individualités exige que lorsque deux personnes sont en présence, l'une est « je » tandis que l'autre est « tu ». Il ne peut y avoir plus d'un « je » sans empiètement d'un individu sur l'autre. La réaction fut immédiate et des petits malins ont brandi des pancartes « Je suis Kouachi ».

 

« Je suis Charlie » c'est aussi prendre la posture de la victime du moment. Toutes les attentions et toutes les formes de compassion y compris les plus exhubérantes se fixent sur la victime désignée par les médias de masse. Cette concentration de l'attention sur une victime désignée nous détourne de l'attention que nous devrions porter quotidiennement d'abord à notre « prochain » (celui qui nous est proche), ainsi qu'à une multitude d'autres frères humains en souffrance qui non pas fait l'objet de l'intérêt de ces mêmes médias.

 

Finalement, « Je suis Charlie » ne pouvait pas être et ne pourra jamais être un slogan vecteur de liberté d'expression tant que le journal Charlie Hebdo continuera à se complaire lui-même dans l'expression de la violence envers les plus faibles (comme les handicapés en particulier), de l'intolérance, du racisme et de l'anarchie(1). 

 

Je pourrais encore m'étendre sur le sujet mais la saison est passée (voir Le slogan « Je suis Charlie » ne suffira pas). A nouveaux attentats, nouveau slogan, preuve s'il en fallait du caractère éphémère de la formule.

 

Dès le lendemain des attentats du 13 novembre 2015, je m'attendais à voir fleurir « Je suis Paris », mais c'est un inattendu « Pray for Paris » qui est sorti du lot. Nous avons échappé à « I'am Paris », c'est déjà çà.

 

pray for paris2.png

 

Pas de nouveautés en ce qui concerne la charte graphique : l'écriture en blanc pour le verbe et en gris pour le nom de la victime, sur fond noir doit être devenu la marque de fabrique officielle. Je m'interroge pour commencer sur la pertinence d'employer la langue anglaise pour ce slogan. Pourquoi fabriquer un slogan en anglais à l'occasion d'un évènement qui s'est déroulé dans la capitale mondiale de la francophonie ? On répondra que, de cette manière, le slogan sera compris dans le monde entier ; cependant on entérine par conséquent le fait que l'anglais est officiellement la langue universelle. Au contraire de rassembler, ce slogan en anglais exclut toute une partie de la population, comme mes parents par exemple qui ne pipent pas un mot de la langue de Shakespeare.

 

Il est intéressant de regarder d'un peu plus prêt le « A » dans « Pray for PAris ». La lettre est représentée par une tour Eiffel logotypée, ce qui aura permis aux lointains téléspectateurs et internautes américains ou chinois de se souvenir que Paris c'est cette ville au milieu de l'Europe où se trouve la tour Eiffel.

 

Le « A » à lui tout seul a réussi à véhiculer le slogan complet. On le retrouve sur l'internet sous la forme d'une tour Eiffel cerclée et épurée, simplifiée au maximum, avec trois pieds, et un unique plateau pour la barre horizontale du « A ».

 

pray for paris1.png

 

J'ai vu dans cette esquisse la croix de Néron : symbole occulte représentant la croix du Christ inversée avec les bras tombant en signe de la défaite, du désespoir et de la renonciation, à l'intérieur d'un cercle de protection démoniaque. Vous imaginez bien que ce symbole ne me fait pas sauter de joie.

 

Allons ! Soyons plus optimistes. Il suffit de barioler notre croix de Néron avec des couleurs et des motifs psychédéliques pour obtenir quelque chose de plus positif et de plus joyeux : le symbole de paix des hippies « Peace and love ». 

 

A moins que notre « A » ne soit en fin de compte que le « A » de Anarchy. Le symbole serait alors annonciateur du chaos qui va venir et dont nous voyons déjà les prémices dans les attentats. 

 

Heureusement le chaos n'aura pas lieu car « A » est le sigle de The Avengers. The Avengers (en anglais « les vengeurs »), la coalition des super-héros enfin unie, sous le commandement du Captain America, pour combattre l'ennemi commun, le mal absolu. A grand coup de bombes laseroguidées et autres pruneaux explosifs, en flinguant à tout-va les vengeurs feront régner la paix et l'ordre universel.

Nous sommes-nous comportés autrement que comme des vengeurs en envoyant dix de nos avions Rafale larguer vingt bombes sur la ville de Raqqa en Syrie ? Selon toute probabilité le criminel fuyard Salah Abdeslam, qui était encore à la frontière belge le 14 novembre 2015 ne pouvait pas être en Syrie le 17 pour recevoir sur la tête les bombes françaises. C'est-à-dire que nous avons infligé nos représailles à des individus différents de ceux qui avaient commis les attentats.

Drôle de justice. Nous avons répondu à la violence par la violence, œil pour œil, dent pour dent, nous avons appliqué la loi du Talion(2). Mais grâce aux bombes, des centres d'entraînement des terroristes ont été détruits selon le rapport officiel. Dans ce cas, pourquoi avoir attendu le 17 ?

 

« Pray for Paris », « Priez pour Paris » , mais prier qui, pour qui, pour demander quoi, et surtout qui sont les muezzins qui nous appellent ? Voilà qu'à présent on nous appelle à la prière alors que dans notre république laïque on se fait habituellement taper sur les doigts à la moindre ostentation de signe religieux. Au même moment, on braille la Marseillaise dans les cathédrales comme dans les stades.

 

La prière est une demande et une demande s'adresse à une personne. Pour les catholiques cette personne est le Christ, Lui qui a aussi connu la mort violente. La prière était dite pour les victimes décédées dans les attentats et afin que le Christ, dans sa miséricorde les accueille auprès de Lui afin qu'ils échappent à la mort définitive. On aura également prié pour les proches des victimes afin qu'ils recoivent la grâce de consolation.

 

C'est ainsi : la prière est une affaire de religion et que l'on ne vienne pas me reprocher d'en parler ici. Ce n'est pas moi qui est commencé : dans « Pray for Paris », il y a « Pray ».

« Pray for Paris », en ne désignant ni le destinataire, ni les bénéficiaires, ni l'objet de la prière ne peut être qu'une prière inefficace, une incantation qui restera sans réponse. Prière fort pratique et universelle sans aucun doute car chacun peut y mettre ce qu'il veut mais c'est en réalité la prière d'une religion tiède, consensuelle, sans racine ni héritage et par conséquent sans consistance.

 

Or seule une religion solide car ancrée dans notre culture pourra freiner les prétentions d'un islam radical et conquérent. Une pseudo-religion, en réalité une agitation politique entretenue par les médias de masse, ne parviendra qu'à nous conduire à la servitude intellectuelle et à la guerre.

 

Ce mélange des genres est plus que malsain, il pourrait devenir la justification de nos agissements les plus violents aujourd'hui en Orient, demain qui sait où. « Pray for Paris » a été le slogan à la mode et cette fois-ci on s'en sort plutôt bien car qui sait quel sera le comportement de nos gouvernants idéologues si le prochain slogan est « Kill them all », une variante de « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ».

 

Priez pour Paris mais soyez vigilants car les idéologies nous guettent sans relâche.

 

Jérôme Framery DLF63

 

(1) voir Yves Maudre « Pourquoi nous ne sommes pas Charlie » dans Liberté Politique N°65 –

février 2015

(2) Entendu sur la radio RCF63 le 17/11/2015.



12/12/2015
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