Petite chronique sur les catholiques et la politique
Petite chronique sur les catholiques et la politique
La gauche s'affole
Malgré l'urgence de répondre au désarroi des français confrontés à l'état déplorable de la situation économique les candidats (présumés ou déclarés) à la présidentielle et aux primaires de la droite s'évertuent, insistent et s'attardent sur les thèmes de l'identité et de la laïcité.
Il faut dire que la pression médiatique est extrême et s'apparente à la terreur : « Citoyen es-tu catholique ou républicain ? ». Les candidats n'ont pas d'autre choix que de s'exprimer sur la place des religions dans la société, sur l'identité française et sur « les questions sociétales » (ce qui, soit dit en passant est une expression vide de sens).
A droite la parole s'est largement émancipée depuis plusieurs mois déjà pour dénoncer les dérives de l'islam(isme), et on aura atteint le sommet de la bêtise et de la vulgarité avec l'épisode de la double-ration de frites de Nicolas Sarkozy.
Malheureusement ni la vulgarité ni la bouffonnerie n'ont jamais élevé aucun débat et ce climat d'hostilité a réveillé la nostalgie anticléricale et l'athéisme militant d'une certaine presse de gauche.
Couverture de Libération du 24 novembre 2016,
après le résultat du premier tour des primaires de la Droite
« Libération » dénonce l'activisme des « lobbys catholiques », tandis que « Marianne » ne supporte plus l'omniprésence des religions dans le débat publique.
Page 70 de Marianne N°1023 du 4 novembre 2016.
Alors que l'article déplore « la déchéance de la rationalité » dans notre pays, la photo décrit une scène qui se déroule à Bassora
Pour « Libération », François Fillon doit sa victoire à l'appui des catholiques. Il est considéré depuis, à gauche comme le conservateur (j'ai même entendu à la radio « ultra conservateur ») que les forces progressistes devront affronter. A droite on laisse dire, on joue le jeu car le calcul politique n'est finalement pas si mauvais : quelques électeurs égarés au Front national et déçus par la ligne Philippot pourraient revenir vers le bon berger Fillon. Qu'en est-il vraiment ?
Que dit François Fillon ?
L'association Liberté Politique a mené un travail de fond sur les mesures nécessaires, selon leur analyse, au redressement de la France. Ce travail a donné lieu à une notation précise et objective des candidats à la primaire de la droite qui ont pu se positionner sur 20 propositions.
Dans cette notation et plus précisément sur les mesures « morales et culturelles », Fillon n'était pas particulièrement brillant. En tout cas, il n'y avait vraiment pas de quoi affoler les gauchistes. A cet exercice, seul Jean-Frédéric Poisson sortait du lot.
Le document complet est disponible ici :
http://www.france-audace.fr/wp-content/uploads/2016/10/La-notation-des-candidats.pdf
C'est pourtant François Fillon qui a bénéficié du soutien de Sens Commun comme en témoigne ce courrier adressé aux sympathisants à la veille du premier tour :
Qui est Sens Commun ?
« Libération » a titré « les lobbys catholiques sont-ils en train de désigner le futur président ? ». Il n'y a en France que Sens Commun pour exercer une influence politique significative sur une élection au point d'accéder au grade de « lobby », c'est donc bien d'eux dont il s'agit.
Sens Commun est la concrétisation sous forme de mouvement politique du mouvement populaire de la Manif pour Tous. Le premier objectif du mouvement et « d'agir et de peser au sein des Républicains » (voir http://senscommun.fr/nos-objectifs).
La création et la subsistance de Sens Commun repose sur un double préjugé qui est une double erreur.
Premièrement, on a supposé que la loi ouvrant le droit au mariage pour les personnes de même sexe devait être combattue sous un unique angle d'attaque, celui des valeurs familiales et traditionnelles. C'est une analyse incomplète de penser en effet que le débat sur cette loi devait opposer frontalement des libertaires à des conservateurs. Il est facile pourtant de démontrer que la loi Taubira est une loi antisociale, anti-citoyenne dans la mesure où il s'agit d'une ingérence grave dans les affaires privées des citoyens. L'état désormais décrète, par la loi, qui peut accéder au mariage et qui un jour bientôt ne pourra pas accéder au mariage lorsque ce gouvernement déjà autoritaire deviendra totalitaire. Cette loi nous rejette dans l'Ancien Régime, à une époque où le serf demandait l'autorisation de se marier à son seigneur, ou l'esclave à son maître ; à gauche, seul le député Azérot était parvenu à dénoncer cette logique.
En conséquence de cette erreur d'appréciation, Sens Commun a recruté exclusivement dans les milieux bourgeois conservateurs alors qu'ils auraient pu élargir leur base.
Deuxièmement, les fondateurs de Sens Commun ont estimé que leur sympathisants potentiels, c'est-à-dire comme on vient de le voir les catholiques conservateurs se situaient strictement dans l'électorat de la droite. C'est ainsi que Sens Commun a nidifié au sein de l'UMP. Voilà le second préjugé : il n'y aurait pas, à gauche, ni défenseur des valeurs familiales, ni catholique. Grave erreur qui empêche de voir la large répartition de l'électorat catholique français. Les catholiques sont pourtant nombreux à gauche, leur répartitions correspondant à peu près à la répartition de l'électorat en général. Même si leur sensibilité est différente ils appartiennent à la même communauté catholique, autant que les catholiques de droite avec la même volonté de porter dans le débat publique les questions éthiques et sociales.
Depuis sa création Sens Commun cherche donc à l'UMP le candidat le plus proche de ses idées. Et cela n'a pas toujours été François Fillon...
Souvenez-vous, il y a tout juste un an, le bon cheval sur lequel miser était Nicolas Sarkozy. Face à une foule en délire, Nicolas Sarkozy n'avait pas résister à la tentation d'une promesse grandiloquente : l'abrogation de la loi Taubira, rien de moins.
« Si çà vous fait plaisir, franchement çà coûte pas très cher ». 15/11/2014
Les promesses, çà coûte pas très cher et çà n'engage que ceux qui les écoutent, mais cette promesse là n'était pas restée sans effet car les sarkozystes ont bien bénéficié durant un temps du soutien de Sens Commun, comme Laurent Wauquiez dans notre région Auvergne Rhône Alpes par exemple pour les régionales.
En tous les cas, ceux-là non pas perdu leur sens commun : ils vont toujours là où la soupe est servie en abondance, même si la soupe est sans sel.
Y a-t-il une bonne raison en réalité pour un catholique de voter pour tel ou tel parti. Revenons à la source avant de poursuivre.
Que dit Jésus ?
A travers les évangiles, Jésus donne peu de consignes morales. La religion chrétienne apporte cette nouveauté justement de se dégager de la loi et chacun est désormais placé en conscience face à ses propres responsabilités. En terme de loi et de commandement, il y a peu de chose à retenir en dehors d'un unique commandement d'amour :
« Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » (Jean 14, 34)
On ne s'étonnera pas donc de ne trouver dans les paroles de Jésus aucune consigne politique ni moins encore de consigne électorale.
Toutefois, attardons-nous sur l'épisode du tribut à César.
Dis-nous donc ton avis : est-il permis, oui ou non, de payer le tribut à César ? » Mais Jésus, s'apercevant de leur malice, dit : « Hypocrites ! Pourquoi me tendez-vous un piège ? Montrez-moi la monnaie qui sert à payer le tribut. » Ils lui présentèrent une pièce d'argent. Il leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils répondirent : « De César. » Alors il leur dit : « rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». (Matthieu 22,17-21)
Le Christ et le denier de César par Rubens. Tableau exposé au Louvre
D'après Ernest Renan dans sa « Vie de Jésus », il est probable que cet épisode soit apocryphe car on ne trouve pas de pièce de monnaie frappée à l'effigie de Tibère en circulation dans la région à cette époque. Cela n'enlève rien au caractère génial de la réplique de Jésus, véritable fondateur de la civilisation et du vrai libéralisme nous dit Renan. L'ingérence mutuelle du religieux dans le politique est mise en défaut par Jésus lui-même. Partant de là, les chrétiens sont libérés de tout, pourvu qu'ils appliquent l'unique commandement d'amour.
Que dit l’Église ?
En conséquence du point précédent, il ne reste plus grand chose à ajouter. Cependant, l’Église vit dans le monde bien que n'étant pas de ce monde (voir Jean 17,14-16), et elle est appelée à servir le monde dans sa conviction intime. Il ne faut pas négliger l'apport considérable de la doctrine sociale de l’Église.
L’Église reste donc discrète dans le débat politique mais elle s'exprime au minimum autour des « points non négociables ».
On trouve ces points clairement résumés par Benoît XVI dans un discours du 30 mars 2006 :
« En ce qui concerne l'Église catholique, l'objet principal de ses interventions dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables. Parmi ceux-ci, les principes suivants apparaissent aujourd'hui de manière claire:
-
la protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu'à sa mort naturelle;
-
la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille - comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage - et sa défense contre des tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d'union radicalement différentes qui, en réalité, lui portent préjudice et contribuent à sa déstabilisation, en obscurcissant son caractère spécifique et son rôle social irremplaçable;
-
la protection du droit des parents d'éduquer leurs enfants.
Ces principes ne sont pas des vérités de foi, même si ils reçoivent un éclairage et une confirmation supplémentaire de la foi; ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même et ils sont donc communs à toute l'humanité. »
Vous remarquerez que la question sociale est abordée à l'intérieur du second point.
Benoît XVI, pape de 2005 à 2013
Que dit Debout La France ?
Nicolas Dupont-Aignan répond aux évêques qui ont interpellé les français et les acteurs du débat public à travers le document « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ».
La réponse complète adressée aux évêques est visible sur l'article de Familles Chrétiennes du 08/11/2016 :
En voici quelques extraits :
« Alors que se termine bientôt l’assemblée plénière des évêques, je veux d'abord vous dire que l’Église de France assume un rôle particulier, incarne un héritage considérable et porte une voix d'espérance. L'histoire de notre pays est une synthèse exceptionnelle. Tout à la fois fille aînée de l'Église et mère de la Révolution, la France a donné à ses relations avec le Saint-Siège une intensité particulière. Ses racines chrétiennes sont un élément constitutif de notre identité. »
« La France incarne, depuis des siècles, un idéal de justice. La grande ordonnance de 1256, promulguée par Saint-Louis, exige que « nul ne sera privé de son droit sans faute reconnue et sans procès ». Elle fonde notre conception de la justice et l’égalité des Français devant la loi. La mission essentielle de l’État est d’assurer la sécurité des Français et de protéger leurs droits. C’est la condition du contrat social que nous devons, comme vous l’indiquez, repenser. »
Nicolas Dupont-Aignan place le bien commun avant toute chose. Fervent défenseur de la laïcité à la française, il n'est pas pour autant laïciste et reconnaît l'héritage chrétien de la France. Il rejette la division des français par le communautarisme et les querelles de chapelles (ou les querelles de mosquées?), par conséquent, il ne considère pas les catholiques (ni les membres des autres confessions) comme un réservoir électoral potentiel qu'il faudrait séduire et auquel qu'il faudrait promettre et s'adresse aux évêques avec honnêteté et franchise.
Ma conclusion
Être militant à Debout la France est un engagement catho-compatible, j'ai déjà pu m'exprimer sur ce sujet ici https://dlf-auvergne.blog4ever.com/les-bonnes-raisons-de-rejoindre-debout-la-france-ou-l-histoire-d-un-parcours
Placer la recherche du bien commun au dessus de toutes les querelles d'identité, au dessus des clivages ethniques et culturels permet de mener une politique efficace et sereine.
Placer notre volonté commune de constituer une nation au dessus de nos convictions individuelles (voir Ernest Renan dans Qu'est-ce-qu'une nation ?), c'est la garantie, pour tous, y compris pour les catholiques d'évoluer dans l'espace de liberté laïc.
Toutes les manœuvres qui consistent à adresser un message particulier aux catholiques, en raison de leur catholicité son des arnaques et des calculs politiques dont je me défient. Non, François Fillon ne m'a pas convaincu, bien au contraire. Je considère d'ailleurs qu'il a été élu plus pour son bourgeoisisme que son catholicisme affiché.
Je ne peux que conseiller à mes concitoyens et coreligionnaires catholiques de voter selon leur sensibilité propre, mais en guise de conclusion je leur demande quand même d'aller voir le programme de Debout la France et d'apprendre à connaître Nicolas Dupont-Aignan.