Le slogan "Je suis Charlie" ne suffira pas.
Nous sommes le dimanche 11 janvier 2015. Avec ma fille nous nous rendons dans la cour de la mairie de notre village d'Auvergne, au monument aux morts. Rendez-vous est donné à 11 heures aux villageois pour un rassemblement silencieux. Silencieux et sans signe distinctif ni politique, ni religieux car la France est laïque et au dessus de tous les partis.
Puisque l'on nous promet que ce rassemblement est celui de l'union nationale, je décide de jouer le jeu.
Sans signe distinctif donc, c'est-à-dire sans cette pancarte noire "Je suis Charlie". Ce n'est que symbolique dira-t-on et il ne faut pas penser qu'en brandissant cette pancarte on s'affiche forcément comme un adepte du journal. Peut-être, mais par définition un symbole n'est jamais neutre, il est un signe de reconnaissance (citons le symbole des premiers chrétiens pour ne donner que l'exemple classique). Et si je ne suis pas Charlie alors c'est que je n'éprouve ni révolte ni indignation ? Sans la pancarte, je ne suis pas dans le bon camp ? Une dichotomie de plus pour la France un jour pourtant promis à l'union.
"Je suis Charlie", quelques semaines seulement après "Je suis Rémi (Fraisse)", voilà ce que scande cette foule sentimentale innombrable et qui veut sortir de l'anonymat dans le premier sens du terme puisque c'est un prénom qu'elle recherche. Une foule avide de s'identifier à la victime du moment pour mieux être consolée soi-même en se montrant dans ces défilés retransmis à la télévision. Regardez comme je pleure ! Ces défilés ne sont-ils pas d'un exhibitionnisme outrancier pour les vraies victimes ? Ne sait-on plus compatir pour les victimes dans le secret de sa chambre et, par pudeur, se retirer du monde le temps du deuil ? Pauvre société qui a besoin avant toute chose d'un gros câlin.
Je ne suis pas Charlie, et "Tu n'es pas Charlie, tu as déjà un prénom" a-t-on difficilement expliqué à notre collégienne de fille. "Tu n'a jamais lu ce journal, ni nous tes parents, ni même tes grand-parents". Je ne reproche rien à ma fille tant la pression émotive a été forte. Elle voulait publier sur le site du collège une photo avec des copines et la pancarte "Je suis Charlie". Là où l'école doit au contraire apprendre à nos enfants à maîtriser leurs émotions, l'enseignante toute émue avait trouvé que c'était "une excellente idée".
Nous avons manifesté silencieusement donc et pour clôturer le temps de silence, le public a chanté la Marseillaise puis applaudi. c'était sobre et digne, sans exubérance même si quelques Charlie en blanc sur fond noir ornementaient des pare-brises et des poitrines.
Plutôt que de brandir des pancartes et de s'agglutiner dans les grandes villes (ce qui est pour le moins irresponsable quand le niveau du plan Vigipirate est toujours à son niveau maximal), il est temps de reprendre la réflexion pour réapprendre à vivre ensemble et reconstruire l'identité française et cela commence à l'école de la république. Le slogan "Je suis Charlie" ne suffira pas.
Jérôme Framery DLF63.
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